P. LAMBERT EI Groupe – Août 2025

Revaloriser la formation comme levier d’autonomie

Nous assistons depuis plusieurs années à un glissement insidieux mais profond de la finalité de la formation professionnelle. De creuset de savoirs et d’émancipation, elle tend à devenir un simple outil d’exécution, un levier d’efficience immédiate, déconnecté de toute visée éducative ou politique. Les impératifs de rentabilité, de délai et de conformité ont peu à peu relégué au second plan ce qui faisait sens : le développement de l’autonomie intellectuelle, de la pensée critique, et de la conscience professionnelle.

Ce phénomène s’inscrit dans un contexte plus large de transformation du rapport au travail et au savoir. La formation est pressée, formatée, normée. Les budgets se contractent, les durées s’effondrent, les contenus se réduisent à des kits standardisés. On parle de blocs de compétences comme on parlerait de pièces détachées, on coche des cases au lieu d’ouvrir des perspectives. Pire encore, l’accès à la formation reste structurellement inégalitaire, et l’on assiste à une logique de dépossession au détriment des plus fragiles.

Les effets pervers d’une formation dégradée

Les conséquences sont visibles : des contenus pédagogiques concentrés sur l’action immédiate et la conformité réglementaire, des parcours d’apprentissage centrés sur des objectifs opérationnels à court terme, une généralisation de l’autoformation non accompagnée, l’effacement progressif des évaluations initiales, des positionnements, et de l’individualisation des parcours. Autant de dérives qui altèrent la qualité des apprentissages et nourrissent un désengagement profond chez les apprenants.

Ces derniers développent une image dégradée de la formation, un engagement professionnel superficiel, une perte de sens, un manque de repères. Ils n’acquièrent plus ni recul, ni esprit critique, ni capacité de projection. Ils exécutent, sans comprendre. Ils avancent, sans cap. Pour l’entreprise, le coût est tout aussi lourd : dévalorisation de la ressource humaine, désengagement, tensions managériales, turn-over croissant. La perte de sens collective devient une crise de performance durable.

Une exigence politique et sociétale

Nous devons impérativement repolitiser la formation. Cela signifie replacer l’exigence, l’ambition éducative et le projet d’émancipation au cœur de notre métier. Former, ce n’est pas seulement transmettre une compétence ; c’est permettre à chacun de penser son action, de la relier à un contexte, à une histoire, à une finalité. C’est aider les individus à construire une posture, à affirmer une vision, à s’engager dans un collectif. C’est, tout simplement, faire société.

À l’heure où les discours simplificateurs, populistes et haineux gagnent du terrain, former à penser est un acte de résistance. C’est un choix politique. Une ligne de conduite. Un socle commun pour construire une société d’individus libres, conscients, responsables. Une société où l’on comprend avant d’agir, où l’on débat avant de trancher, où l’on transmet autre chose qu’un savoir-faire : un sens, une conscience, une fierté de contribuer.

Chez EI GROUPE, nous croyons que la formation ne vaut que si elle élève. Que l’exigence est la première forme de respect. Et que nous n’avons pas à choisir entre qualité et engagement. Nous refusons le productivisme au rabais. Nous revendiquons une pédagogie exigeante, émancipatrice, profondément humaine. Car nous savons qu’en formant à penser, nous formons à vivre ensemble.

Date de publication : 1 août 2025
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