P. LAMBERT EI Groupe – Juillet 2025
Et si la formation osait enfin dire les mots ?
Dans nos entreprises, ils sont nombreux à œuvrer avec rigueur et efficacité, à connaître chaque geste par cœur, à mémoriser les consignes, à trouver seuls des stratégies d’adaptation face à des documents qu’ils ne peuvent lire ou comprendre. Ils ne s’en vantent pas. Ils n’en parlent pas. Parce que l’illettrisme, en France, est encore une honte. Et pourtant, ces “héros invisibles” permettent à bien des organisations de tourner. Ce sont souvent les plus assidus, les plus volontaires, les plus loyaux. Ceux qui compensent, sans bruit, ce que l’école ou la vie ne leur a pas transmis.
Mais combien se sentent jugés, exclus, humiliés ? Combien s’auto-censurent, évitent les formations, les promotions, par peur qu’on découvre leur fragilité ? Cette honte n’a plus lieu d’être. Car ce n’est pas une faiblesse individuelle, c’est un angle mort, une zone d’ombre de notre pacte social. Il est temps de poser un droit fondamental à l’autonomie par les savoirs de base. Et d’aller plus loin : inscrire dans la loi un droit opposable à l’acquisition d’un socle de compétences pour tout adulte en situation d’illettrisme ou d’illectronisme.
Ce droit doit reposer sur des outils simples de détection cadrés dans la loi. Les exemples de dispositifs pertinents ne manquent pas, de nombreuses branches professionnelles en ont déployés. Il est grand temps d’unifier ces travaux et de les rationaliser.
Parmi ces dispositifs, CléA et CléA Numérique constituent des outils de référence. Ils permettent de certifier les compétences de base indispensables dans le monde du travail et de redonner confiance à celles et ceux qui en ont été privés. Ces dispositifs doivent être fortement mobilisés dans les entreprises, promus et soutenus activement par les acteurs institutionnels et les OPCO. Il est essentiel que leur financement soit garanti, leur visibilité renforcée et leur déploiement facilité.
Ce droit est d’autant plus crucial que les politiques publiques, en la matière, avancent à pas hésitants. Les plans succèdent aux campagnes, mais la continuité fait défaut. Trop d’actions ponctuelles, trop de dispositifs à guichet fermé, pas assez de constance ni de lisibilité. Résultat : les chiffres stagnent, les publics décrochent, et les financeurs s’épuisent à relancer sans vision de long terme.
Il est temps de faire de l’illettrisme et de l’illectronisme un enjeu de responsabilité sociale et sociétale pour les entreprises. Pas par injonction morale ou légale mais par pragmatisme. Car bien lire, bien comprendre, bien interagir, c’est garantir la sécurité, la qualité, l’anticipation. C’est fluidifier la transmission, renforcer l’engagement, fiabiliser les process. C’est une clef d’efficience autant qu’un levier d’égalité. Toute entreprise qui s’en saisit en sort plus robuste, plus humaine, plus performante.
Ces compétences fondamentales sont le ciment du travail bien fait. Elles structurent la communication, permettent des remontées d’information, assurent une compréhension fine des directives, facilitent la prévention des risques. Et elles favorisent ce qui, dans un monde complexe, devient notre bien le plus précieux : l’intelligence collective.
Chez EI GROUPE, nous croyons que toute personne a droit à l’autonomie et à la dignité. Nous œuvrons pour que les savoirs de base ne soient jamais un luxe, mais une évidence. Nous croyons que la formation peut et doit être un levier d’émancipation. Nous agissons pour que l’illettrisme ne soit plus une fatalité silencieuse, mais un combat assumé, collectif, partagé. Car si la honte doit changer de camp, c’est à nous, professionnels de la compétence, de lui ouvrir la voie.